Je vais pour une fois prendre un cas personnel sur lequel je peux témoigner des mécanismes à l’œuvre dans notre mémoire trans générationnelle.
Mes deux grands-pères ont été fauchés par la guerre de 1914-1918, l’un au début, l’autre à la fin de la guerre. Je suis né 44 ans après la mort du premier, 41 après celle du second.
J’ai connu ma grand-mère paternelle, femme revêche et méchante, qui ne m’a jamais parlé de son mari. Ma grand-mère maternelle, elle, est décédée de la tuberculose entre les deux guerres.
Autant dire que les informations concernant mes grands-pères furent très rares… Quasi inexistantes en fait.
Les quelques photos que l’on me montra d’eux, et commenta, n’imprimèrent pas vraiment.
Par contre, les quelques ouvrages que j’ai pu lire relatifs à ce premier conflit mondial, lors de ma scolarité, provoquèrent chez moi de vives émotions, bien plus que ceux parlant du second conflit.
Étranges phénomènes qui très longtemps ne firent pas sens.
Lors d’une mémorable constellation concernant ma branche maternelle, je visualisais à quel point le décès de mon grand-père avait détruit intérieurement ma grand-mère, qui ne s’en remis jamais et mourût de chagrin, laissant derrière elle deux orphelines. Cet éclairage saisissant levait une partie du voile sur mon passé, à l’ombre duquel j’évoluais sans tout comprendre ! Je mesurai alors combien le décès de cet homme aimé avait ravagé cette branche familiale. Et le pourquoi de ma sensibilité aux ouvrages relatant cette période.
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Février 2022 : déclenchement de la guerre en Ukraine.
C’est un choc : j’ai vécu (et pensé) toute ma vie dans un pays en paix, (même si historiquement, bien évidemment, ceci est à relativiser). La guerre, cette mère de tous les malheurs, est de nouveau en Europe, juste là, tout près.
Mais je ne suis pas le seul à éprouver cela…
Quelques jours après, je suis terrassé par une gastro suspecte – elle y ressemble mais… Je décide de consulter.
Il en ressort que de vieux dossiers remontent subitement… Il ne sera pas très difficile d’établir le lien avec la tristesse qui m’étreint … et les deux grands-pères disparus à la guerre.
C’est que dans mes tripes, suintent et encore aujourd’hui, la rage contre l’abus de pouvoir qui consiste pour des dirigeants plus ou moins criminels d’envoyer d’autres hommes se faire tuer pour des idées chimériques ; la tristesse insondable qu’il y a être séparé des siens, pour servir de chair à canon ; l’absurdité d’un tel destin ; l’impuissance face à ce désastre.
Il ne m’est pas nécessaire de regarder des images ou de lire les compte-rendu des journalistes pour comprendre ce que vivent ces gens : mon corps me l’enseigne, c’est dans mes veines, cette histoire.
Je comprends tellement mieux désormais pourquoi je sur réagis systématiquement face à un abus de pouvoir… Juste en mémoire de mes Aïeuls !
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Ainsi raconté, ce témoignage met deux choses en lumière : une première constellation a révélé une clé essentielle pour mettre des mots sur l’immense non-dit de souffrances qui a miné un siècle durant ma famille. C’est ensuite un travail énergétique face à un événement déclencheur qui suffit à lever le reste du voile sur des mémoires encore enfouies, et toujours parfaitement actives.
Je suis toujours en cours de digestion… La pseudo gastro a été là pour déclencher ce processus.
Il en est ainsi pour tout secret de famille : plus un événement a été traumatisant, plus il a été caché, plus il agira puissamment et longtemps sur la descendance.
Les constellations familiales servent à exhumer ces souffrances enfouies, réhabiliter les protagonistes dans leur statut de victime ou d’acteur, leur amener parfois de la conscience qui bien longtemps après leur fait encore défaut…
Ensuite, chacun peut donner enfin du sens à des comportements… qui semblent n’en avoir aucun !
C’est le temps de l’intégration…
Celui d’une liberté , d’une conscience accrue viendra ensuite…
Yves 8 avril 2022
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